Paroisse de l'Église Apostolique Arménienne de Lyon et des Environs
/, Comprendre la liturgie/Étude sur le calendrier liturgique arménien – Partie 1

Étude sur le calendrier liturgique arménien – Partie 1

(Larges extraits) / C. Tondini Di QUARENGHI / Article paru sous le titre Etude sur le calendrier liturgique de la nation arménienne / Rome, 1906

Première partie

Dispositions générales

l. Toutes les fêtes sont mobiles, à l’exception de six. — 2. Système des fêtes d’après les jours de la semaine. — 3. Les trois types d’offices de l’Eglise arménienne. — 4. Calendrier civil et comput pascal. — 5. Les 24 semaines de la grande période pascale, avec la mobilité de 35 jours. — 6. Les 22 semaines de la grande période extra-pascale, avec la mobilité de sept jours. — 7. Système de compensation pour les divers groupes hebdomadaires des fêtes de chacune des deux périodes.

l. Toutes les fêtes sont mobiles, à l’exception de six

Je ne pourrais mieux commencer cette notice sur le calendrier liturgique de l’Eglise nationale arménienne, qu’en relevant une particularité qui le distingue de celui de toutes les autres Eglises chrétiennes. Celles-ci, en effet, célèbrent toutes leurs fêtes à des dates fixes du calendrier civil, en n’exceptant de cette règle que la fête de Pâques et les quelques fêtes qui en dépendent et qu’on appelle pour cela mobiles, et ce principe n’est nullement infirmé par la translation accidentelle d’une fête fixe, à cause de rencontre avec une fête mobile, ou par les exigences du rite.

L’Eglise arménienne, au contraire, ne compte, aujourd’hui, que six fêtes fixes ; elles sont :

  1. 6 janvier, la Théophanie 1
  2. 14 février, la Purification 2
  3. 7 avril, l’Annonciation
  4. 8 septembre, la Nativité de la Sainte Vierge
  5. 21 novembre, la Présentation de la Sainte Vierge [au Temple]
  6. 8 décembre, la Conception de la Sainte Vierge [dans le sein de sainte Anne]

Dans cette énumération, j’ai considéré la veille de la Théophanie et les jours de son octave comme ne faisant qu’un avec la fête elle-même ; sans quoi il faudrait, évidemment, porter le nombre des fêtes fixes de six à quatorze. Toutes ces fêtes sont aussi fixes chez les Arméniens catholiques (Nilles, II, pp. 556-558).

De ces six (ou quatorze) fêtes, celle de la Nativité de la Sainte Vierge date à peine du XIIesiècle, et les deux dernières ne sont célébrées que depuis deux siècles seulement. Quant à la sainte Théophanie, une étude minutieuse des formes liturgiques et des parties des offices prouve qu’elle a été célébrée, autrefois, toujours en dimanche, et non pas à la date fixe du 6 janvier ; d’où il suit que soit la veille de la Théophanie, soit tous les jours de l’octave de cette fête, avaient, eux aussi, une mobilité de sept jours. Mais, quoi qu’il en soit de ce point, aujourd’hui, les fêtes que nous venons d’indiquer sont les seules que l’Eglise arménienne célèbre à une date fixe du calendrier civil.

Pour toutes les autres fêtes, l’Eglise arménienne a adopté le système des fêtes d’après les jours de la semaine, ce qui constitue une deuxième particularité qui la distingue de toutes les autres Eglises chrétiennes. Voici en quoi il consiste.

2. Système des fêtes d’après les jours de la semaine

Le système, adopté par l’Eglise arménienne, de distribuer les diverses fêtes d’après les jours de la semaine, est si ancien et général qu’on a toute raison de le considérer comme le système suivi depuis l’origine de cette Eglise. On ne trouve ni dans son histoire, ni dans les traditions qui s’yrapportent, aucune trace soit d’un système antérieur différent de l’actuel, soit d’un changement quelconque survenu, à n’importe quelle époque, dans la distribution liturgique des fêtes arméniennes ; c’est de ce silence qu’on est en droit de conclure que le système dont nous allons parler est aussi ancien que l’Eglise arménienne elle-même et qu’il ne peut, en tout cas, être postérieur au commencement du Ve siècle, — date de la traduction arménienne de la Bible et de la formation complète et définitive de la liturgie arméniennes.

Cela dit, voici en quoi consiste le système qui fait dépendre des jours de la semaine la célébration des fêtes arméniennes.

Tous les dimanches, sans exception, sont consacrés à la Résurrection qui est, par excellence, le mystère rappelé par le dimanche : dies dominica. Quelquefois on y ajoute une autre fête dominicale3, mais jamais une fête en l’honneur d’un Saint.

Tous les vendredis sont consacrés à la Crucifixion et de même qu’on observe, en ce jour, l’abstinence ou le maigre dans la nourriture, ainsi les hymnes et les leçons des offices sont des hymnes et des leçons de pénitence. On peut bien célébrer en vendredi une fête dominicale ; mais une fête de Saint ne peut jamais être célébrée ni en dimanche ni en vendredi.

Les mercredis, comme les vendredis, sont des jours consacrés eux aussi à l’abstinence et aux offices de pénitence ; le mercredi étant considéré comme le jour où a eu lieu l’Annonciation et, conséquemment, l’Incarnation. On suit, pour la nourriture et les offices, les mêmes règles que dans les vendredis.

Ainsi qu’on le voit, il y a, dans chaque semaine, trois jours dans lesquels ne peut avoir lieu aucune fête de Saint ; ce sont le dimanche, le mercredi, et le vendredi. Tous les trois sont exclusivement consacrés au mystère de la Rédemption dont on honore chaque mercredi le commencement, chaque vendredi l’accomplissement et chaque dimanche la glorification ou le triomphe. Les mercredis et les vendredis sont parfois changés en une fête dominicale, mais jamais en une fête de Saint. Quant au dimanche, il est exclusivement réservé aux fêtes dominicales.

Partant, d’après le système adopté par l’Eglise arménienne, les fêtes de Saints ne peuvent être célébrées qu’en lundi, mardi, jeudi et samedi et, même en ces jours, elles doivent céder la place à toute fête dominicale ou jour d’abstinence 4 qui surviendrait à la même date. Dans l’un et dans l’autre cas, la fête du Saint cesse et se déplace. Aussi faut-il remarquer que les fêtes des Saints qui tombent en lundi, mardi et jeudi peuvent être changées soit en une fête dominicale, soit en un jour d’abstinence, tandis que celles qui tombent en samedi ne peuvent être changées qu’en une fête dominicale.

Comme règle générale, chacune de ces trois catégories : fêtes dominicales, fêtes de Saints et jours d’abstinence, garde, dans les offices, son caractère propre et exclusif, sans se confondre ni se combiner avec celui des autres.

Les fêtes dominicales et les jours d’abstinence étant, dans le courant de l’année, suffisamment nombreux, il s’ensuit qu’une bonne partie des lundis, mardis, jeudis et samedis se trouve, par là même, enlevée à la célébration des fêtes des Saints. On compte, chaque année, 122 jours environ où l’on peut célébrer une fête en l’honneur des Saints ; c’est pourquoi l’Eglise arménienne est obligée de grouper, en un seul jour, la mémoire de plusieurs Saints, en les rangeant d’après l’époque où ils ont vécu, ou d’après quelque raison d’analogie.


1 La Théophanie, étymologiquement Manifestation de Dieu est, dans le Calendrier religieux arménien, la fête collective de tous les mystères qui se sont passés avant que Jésus-Christ se manifestât dans sa vie publique. La Nativité et l’Adoration des Mages y ont, naturellement, la place principale, et c’est pourquoi le 6 janvier (v. st.) est, en même temps, le Noël et l’Epiphanie des Arméniens, à l’exception des catholiques.

2 L’auteur emploie, tout au long de l’article, la terminologie catholique qui lui est familière mais qui ne rend pas toujours fidèlement l’orthodoxie de la tradition de l’Eglise apostolique d’Arménie. Il ne s’agit pas ici de la fête catholique de la Purification de la Sainte Mère de Dieu, mais bien de la fête de la Présentation au Temple de Notre Seigneur. La conception hébraïque de la purification de la mère après l’accouchement est étrangère à la tradition arménienne et, à bien des égards, à la foi chrétienne elle-même, puisque seul le péché rend impur. [note du site]

3 Comme on va le voir encore plus loin dans le texte, on appelle dominicales toutes les fêtes qui se rapportent au mystère de l’Incarnation, comme aussi toutes celles de la Sainte Vierge qui en fut l’instrument ; puis celle de la Sainte Croix sur laquelle la Rédemption fut accomplie ; enfin la fête de l’Eglise, fruit de la Rédemption.

4 Qu’on se souvienne, une fois pour toutes, que, dans les jours d’abstinence, les offices sont de pénitence.